De l’eau au robinet

La mise en place progressive des réseaux d'eau potable modernes

Les autorités administratives font à partir des années 1850 le constat de la pollution des eaux des rivières et du sous-sol à proximité immédiate des villes, de l’insuffisance de l’eau disponible pour le développement industriel et du manque d’efficacité voire l’absence de système de gestion des déchets et des eaux usées. Des décisions sont peu à peu prises pour mettre en place des systèmes de distribution et d’évacuation modernes, plus efficaces et plus sains.
A Lille, la mise en place d’un captage de l’eau à Emmerin est votée en 1867 et approuvée par l’Etat en 1869. Les alentours d’Emmerin forment en effet un vaste réservoir naturel de 152 km². Ce sont en tout 7 500 000 Fr de travaux qui sont engagés. Les sources naturelles sont captées et l’eau acheminée vers un aqueduc qui alimente des réservoirs élevés. L’eau est ensuite conduite jusqu'au réservoir supérieur de la rue Saint-Bernard, où se situe de nos jours le siège de la compagnie des eaux de la métropole européenne de Lille. Le réseau est ensuite agrandi, avec des captages à Seclin, Houplin, Provin, Annoeullin, Allennes et Bénifontaine. Il est en effet difficile de répondre aux besoins grandissants de la population. De nouveaux réservoirs sont construits dont en 1886 le réservoir de Saint-Maurice, culminant à 42 m avec une capacité de 9500 m cubes. En 1892 le réseau totalise plus de 130 000 m de canalisations. Le réseau raccorde maisons et usines, mais alimente également des équipements publics. Il permet d’installer en ville des fontaines, des pompes pour le nettoyage des rues, des bornes à incendie, des urinoirs publics et même des jets d’eau destinés à rafraîchir les passants sur le boulevard Vauban et la place Philippe le Bon.

Usine des eaux d'Emmerin carte postale libre de droit
Réservoir d'eau de Saint-Maurice par Strikehard — Travail personnel, CC BY-SA 3.0

 

Les Lillois sont ainsi de plus en plus nombreux à avoir l’eau courante dans leur logement mais ils restent une minorité : d’après l’historien Alain Gérard, en 1908 seuls 6 % d’entre eux sont concernés. Pour la majorité de la population l’accès au réseau se fait au moyen des fontaines publiques. Dans les foyers équipés, on voit apparaître les premiers équipements sanitaires modernes (robinets, chasses d’eau) et les premières chaudières à gaz ou à charbon pour la production d’eau chaude. Le réseau de distribution favorise également l’ouverture de bains publics (Lille compte deux établissements de ce type à la fin du 19e siècle, l’un cour Cysoing et l’autre près de la porte de Paris) et le fonctionnement des premiers ascenseurs.

Carte générale de la distribution d'eau à Lille en 1879

Source Gallica : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9661263f

A Roubaix et Tourcoing, un premier réseau puisant dans les eaux de la Lys a été inauguré en 1863. L’eau est toutefois impropre à la consommation, surtout en période de rouissage du lin. D’après l’historien Alain Gérard, un nouveau projet est donc mis à l’étude en 1887. Les forages sont effectués dans la vallée de la Scarpe avec une première usine de pompage inaugurée à Pecquencourt en 1896. L’eau est stockée dans un réservoir à Mons-en-Pévèle puis acheminée via un aqueduc.  En matière d'assainissement, suite aux protestations des autorités belges en raison de la pollution des cours d'eau transfrontaliers par l'industrie lainière, une première usine de traitement des eaux est édifiée à Grimonpont-Wattrelos en 1889 pour traiter les eaux de l’Espierre.

D'autres projets permettant l’acheminement d’une eau saine à Roubaix furent proposés dans les années 1870. L’ingénieur Emile Moreau propose en 1874 de réaliser des forages dans la vallée de la Marque. Il évalue les investissements nécessaires à 10 millions de francs sur plus de 10 ans. Ce projet n’est jamais adopté et la municipalité essaiera d’adapter le réseau existant, ce qui ne suffit pas à rendre l'eau potable.

A Valenciennes, la municipalité décide de mettre en place le captage de quatre sources situées à la campagne, dans la vallée de la Rhônelle. L’eau remonte jusqu’à un aqueduc qui alimente deux réservoirs situés à 5m au-dessus du sol à l’aide d’une machine élévatrice. Ce dispositif permet au début du 20e siècle d’amener dans la ville 74 l d’eau potable par habitant et par jour. 
Dans le Pas-de-Calais, Aimé Pagnoul fait le constat en 1881 que la majorité des villes sont bien alimentées en eau. A Arras un réseau de distribution mis en place dans les années 1860 capte une source près de la porte Meaulens. Saint-Omer et Béthune disposent d’un réseau inauguré récemment. A Boulogne et Calais, l’approvisionnement reste insuffisant et les habitants ont encore recours aux anciens puits et citernes. Certaines localités plus petites et moins industrialisées peuvent encore puiser de l’eau potable dans le sous-sol immédiat de la cité. Ce n’est plus le cas à Bapaume où une sucrerie a pollué la nappe phréatique. L’auteur, dans son enquête, s’est également intéressé aux puits des corons et note qu’ils sont souvent pollués par des infiltrations d’eaux ménagères, comme dans les courées en ville. 

Back to top